Les V.E. sur Mars et ailleurs...

C'est ce lundi (dimanche pour les US) que le rover "Curiosity" doit se poser sur Mars (ou s'y écraser, les paris sont ouverts).

Les moteurs thermiques étant tout juste bons à "crever la bouche ouverte" (passez moi l'expression) en l'absence d'oxygène (exception faite peut être du Stirling), c'est donc à un vehicule électrique qu'est confiée cette nouvelle mission martienne.

Les amateurs de conduite sportive ici présents seront certainement impressionés par la vitesse de pointe de 90 mètres à l'heure.

Si tout se passe comme prévu, il pourra rouler pendant 14 ans sans jamais voir une borne de recharge, sans rien devoir à Renault pour la location de batteries, et sans payer le moindre centime à EDF, ceci grâce à ses générateurs nucléaires.

D'aucuns considéreront que c'est une regression par rapport aux missions précédentes, qui se contentaient de panneaux solaires. Mais il n'y guère d'écosystème à endommager sur Mars, apparement. Cependant, s'il y a sur le forum des micro-organismes martiens qui désirent apporter la contradiction, ils sont les bienvenus. On pourra d'ailleurs en profiter pour leur demander s'ils n'ont pas des spécifications de la Zoé à jour puisqu'apparement elles sont publiées partout sauf en France.

D'ailleurs finalement, le solaire c'est aussi du nucléaire quand on y réfléchit. En vérité la quasi-totalité des énergies utilisées par l'homme, y compris celles qui nous font bouger et (parfois) penser sont dérivées plus ou moins indirectement du nucléaire (essentiellement fusion). La seule exception que je vois est l'énergie marémotrice.

Mais pour en revenir aux VE spatiaux, si on veut une vraie voiture avec des vrais gens à bord, il y avait la jeep lunaire du début des années 70. Il y a même une scène célèbre où on voit John Young faire des dérapages sur la Lune. Vous vous imaginez en train de déraper en VE dans la poussière lunaire? Il y a vraiment des gens qui ont vécu des choses pas ordinaires, et c'était il y a déjà 40 ans... La jeep utilisait des batteries à l'oxyde d'argent (hé oui on ne se refusait rien, à la NASA). Songez un peu à ce qu'ils auraient pu faire avec des batteries au lithium. A noter qu'eux n'étaient pas embêtés par les pertes dues à la résistance de l'air : ils se moquaient bien du S.Cx.

Je regretterai longtemps que le projet beppi-Colombo de l'ESA ait supprimé le segment sol de la mission, pour des raisons budgétaires, car l'idée était de faire rouler un véhicule à la surface de Mercure. En vérité, ça ne doit pas être très différent de la surface lunaire, mais pensez un peu à ce qu'on peut tirer d'un panneau solaire sur Mercure...

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Georges17 a écrit:En 70 le 1er microprocesseur vient d'être inventé mais avec un cerveau qui n'a rien à envier celui d'une poule

Je pense que tu es injuste avec le cerveau des poules, il fait des choses que même les microprocesseurs modernes ne font pas, comme par exemple estimer de visu très précisement l'instant d'arrivée d'une voiture pour pouvoir traverser juste à ce moment là. Un exploit qui devrait être répété avec les VE, j'imagine.

Pour la jeep lunaire, j'ai dit une betise, il ne s'agissait pas d'oxyde d'argent pour les batteries, mais d'argent-zinc, avec un electrolyte à base d'Hydroxyde de potassium (un composé qui ne doit pas être très différent de la soude caustique). De plus, elles n'étaient pas rechargeables, par conséquent c'étaient plus des piles que des batteries.

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Le cas de la poule etant réglé, je fais un retour sur le potassium mentionné plus haut à propos des piles de la jeep lunaire.

Il fait partie d'une colonne de la table périodique dites des alcalins.
Le rapport avec le forum, c'est qu'au sommet de cette colonne trône notre fameux lithium.

Contrairement à leur nom, ces éléments ne sont pas calins du tout et réagissent de façons assez violente avec l'humidité.
Les éléments d'une même colonne sont censés avoir des propriétes chimiques voisines mais pour les alcalins l'aggressivité de la réaction augmente à mesure que l'on descend dans la colonne.
Le lithium est donc le plus doux d'entre eux.

En dessous on trouve le sodium, qui entre dans la composition du sel de cuisine.

Puis le potassium. Certaine personnes tenues à des régimes sans sel peuvent le remplacer par du chlorure de potassium.
Comme le potassium contient une proportion importante de potassium 40 qui est radioactif, ces gens là sont plus radioactifs que la moyenne.

Ensuite vient le rubidium, utilisé dans certaines horloges atomiques.

Puis c'est le cesium. Il y a très peu de métaux colorés : l'or et le cuivre essentiellement. Mais le césium ressemble à de l'or liquide. On ne peut l'admirer que dans une eprouvette sous atmosphère inerte, car pris dans la main il traverserait la peau, peut être les os, à moins qu'il ne décide de les déchiqueter d'abord par une explosion en bonne et due forme. Egalement utilisé comme reference de temps international dans les horloges atomiques.

Le dernier est le francium. Il est instable avec une demi-vie de 22 minutes, ce qui le rend fabuleusement radioactif. Sa quantité dans la totalité de la croute terrestre à un moment donné est estimée à environ 30g, comme element apparaissant de façon transitoire dans des chaines de desintégration. Le plus gros échantillon produit en laboratoire faisait 300 000 atomes. Si un chercheur en réunissait une quantité suffisante pour être visible, il en mourrait et l'echantillon disparaitrait avant que son corps n'ait eu le temps de refroidir.

Mais pour le Lithium en lui-même, quelques caractéristiques:
- le lithium est le plus léger des élements solides, et le moins dense
- curieusement c'est aussi celui qui a la plus haute chaleur massique (en fait, j'apprend que c'est justement lié à sa faible densité)
- extraordinairement il est capable de produire un bilan d'énergie positif par fission, une chose à priori réservée aux élements plus lourds que le fer 56.
- il est à la limite de la stabilité, ce qui veut dire qu'il s'en faut de peu qu'il n'ait pas eu d'isotopes non radioactifs. S'il avait été instable, il n'en serait pas resté beaucoup pour nos VE
- malgré tout cette faible stabilité justifie une abondance plus faible que les éléments voisins, et c'est assez dommage pour notre propos
- dans la nature on trouve en gros un melange de 92.5 % de lithium 7 et le reste de lithium 6. La recherche sur la fusion thermonucléaire s'interesse essentiellement au lithium 6 ce qui est heureux car elle compte le transmuter pour produire du tritium, et il est donc perdu, alors qu'en usage batterie, il peut être recyclé. Mais ce partage des isotopes devrait réduire le conflit entre les deux utilisations.
- Le lithium a presque le plus haut potentiel d'oxydo-reduction, d'après ce tableau: http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_potentiels_standard donc moins d'élements sont necessaires pour atteindre une tension donnée. A noter que bien que plus réactifs, les autres alcalins ont un potentiel plus faible.
- les feux de lithium sont difficiles à éteindre, mais ça vaut pour le lithium métal, dans les batteries lithium ion on ne trouve que des sels de lithium (sauf peut être dans les Bolloré, à voir comment ils gèrent cela)


Pour des photos de ces différents elements et divers anecdotes fascinantes, je vous conseille le superbe site de la table des élements en bois, en anglais cependant. Vous pouvez simplement cliquer sur les cases des différents élements, photographie d'une vraie table réalisée en bois par ce collectionneur passioné, chaque casier contenant des échantillons de l'élément correspondant, ou utiliser les liens directs vers les elements que je donne.

La table tout entière:
http://www.theodoregray.com/periodictable/

Le lithium:
http://www.theodoregray.com/periodictable/Elements/003/index.s7.html

Le cesium:
http://www.theodoregray.com/periodictable/Elements/055/index.s7.html

Le potassium:
http://www.theodoregray.com/periodictable/Elements/019/index.s7.html

Personnellement j'aime bien aussi le brome (bromine) mais ce n'est plus un alcalin, c'est un halogène.
Comme autre halogène interessant il y a le fluor: il y est dit qu'à peu près tout ce qui est placé sur le chemin d'un flux de fluor prendra feu spontanément, y compris le verre ou l'acier. Une des substances les plus réactives connues de l'homme et du coup assez difficile à contenir. Probablement pas un bon choix pour de futures batteries, mais le couple hydrogène fluor avait du etre évalué un temps comme alternative au couple hydrogène oxygène pour la propulsion des fusées (finalement abandonné car trop délicat à manipuler)

Ou sinon simplement sur wikipedia:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lithium

Excellent post Passant_Mbr, es-tu chimiste de formation ?

JP a écrit:Excellent post Passant_Mbr, es-tu chimiste de formation ?

Loin de moi cette prétention, simple restes d'études générales, plus curiosité personnelle. Beaucoup de ces informations sont tirées des sites que j'ai mentionnés.
Je me rappelle avoir vu une grande table périodique au palais de la decouverte comportant une photo d'echantillon pour chaque élément et j'avais trouvé que c'était une fort bonne idée. Mais ce site de la table périodique des éléments en bois va plus loin et l'auteur a vraiment plein de choses interessantes à raconter. Il mentionne par exemple l'organisation de "sodium party", où l'on s'amuse à lancer des blocs de sodium dans un plan d'eau, pour admirer la réaction, il doit même y avoir des vidéos.

C'est tout bon, atterrissage réussi, premières photos transmises. Je suppose qu'il faudra un certain temps avant qu'il commence vraiment à rouler.
La séquence a paru durer moins que 7 mn lors de la retransmission

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Si on peut faire plaisir aux connaisseurs, pas de raison de se priver...

Georges17 a écrit:Merci Passant_Mbr pour cette longue, passionné et très intéressante dissertation sur le tableau périodique des éléments

+1

Passant_Mbr a écrit:Puis le potassium. Certaine personnes tenues à des régimes sans sel peuvent le remplacer par du chlorure de potassium.
Comme le potassium contient une proportion importante de potassium 40 qui est radioactif, ces gens là sont plus radioactifs que la moyenne.

Désolé de te contredire, mais le potassium 40 se retrouve dans toute notre alimentation et c'est à cela que l'on doit notre radioactivité naturelle. Ce ne sont pas quelques microgrammes de plus qui changent les choses de manière radicale.

Après reflexion, tu dois avoir raison, c'est quelque chose que j'avais lu et accepté sans le regarder sous un angle critique.

Je pense qu'on parle plutot de grammes que de microgrammes, on peut facilement mettre de telles quantités dans un plat cuisiné.
Je lis qu'il y aurait environ 165g de potassium dans le corps d'un homme.
On pourrait donc espérer des variations de l'ordre de quelques %, plus si c'était cumulatif, mais à priori le corps doit s'arranger pour maintenir la quantité à peu près constante, à moins qu'il n'y ait justement un défaut dans ce mécanisme chez les personnes qui ont besoin de recourir à de tels régimes.

Mais je n'ai pas creusé d'avantage la question.

Au passage , le chlorure de potassium, dit "sel de régime" est fortement déconseillé aux personnes devant recourir à un régime sans sel.